Le rôle de la femme dans la société d’après la littérature congolaise moderne
Le rôle de la femme dans la société d’après la littérature congolaise moderne
Par Le Potentiel
Le présent propos tente de dégager, non pas le portrait de la femme, mais le rôle que jouent les personnages féminins de l’œuvre romanesque congolaise à travers six textes. Il s’agit d’analyser comment le personnage féminin, dans la structure textuelle, contribue ou pas au développement de la microsociété dont il est membre.
L’image de la femme traditionnelle, non instruite, vivant au village est véhiculée par des récits de Zamenga Batukezanga, à savoir Les hauts et les bas et Bandoki, les sorciers et par un conte romancé de Paul Lomami Tshibamba, Ngando, le crocodile. Par contre, l’image de la femme moderne, c’est-à-dire, instruite et ayant subi un métissage culturel se retrouve dans trois textes
respectivement intitulés : On a joué de Charles Djungu-Simba, Un écho dans la nuit de Elese Ekonzo et Des cendres et des flammes de Kawata Ashem Tem. Voyons à present le rôle que les écrivains accordent à la femme dans leurs textes
LA FEMME TRADITIONNELLE
Le personnage féminin jouit d’un statut particulier dans la société : il est source de vie. La femme donne des enfants, ces êtres qui sont le devenir de la société. Elle veille au bon développement physique et moral de ceux qui seront, plus tard, le rempart de la société. Son rôle éducatif est donc considérable. Dans Les hauts et les bas, à la naissance de leur fils, Difwa et Diasuka furent
comblés de grande joie.
Femme : source de vie, mère et éducatrice
La part de la femme dans l’éducation morale de l’enfant est incontestablement grande. Lorsqu’une mère faillit à cette mission, non seulement elle dresse mal son enfant, mais c’est aussi toute la société qui est hypothéquée. Dans un écho dans la nuit, Joseph Tshibimbi est convaincu que la méconduite de sa fille Thérèse Bilambo trouve son origine chez sa mère. En effet, il déclare : « c’est une femme qui enfanta, dressa et lâcha contre sa quiétude la gangrène claustrée dans la chambre plus loin. En tolérant, elle envoyait paître dans les marécages cette fille pour laquelle jamais ne palpita le sang de sa paternité » (p.242).
Comme on le voit, la mère de Thérèse Bilambo a manqué à sa tâche d’éducatrice de son enfant. Sa fille ne put ainsi être stable dans son foyer. Elle sortait du foyer pour prévenir son mari et rentrait souvent à des heures tardives. Ce dernier, ne pouvant plus supporter ce comportement se sépara de sa femme.Le rôle du personnage féminin s’élargit au niveau de toute la famille : en tant que source de vie, la femme est également génératrice de stabilité familiale. En effet, la présence des enfants dans une famille procure de la liesse à tout le monde, garantit, dans la plupart des cas, la longévité du mariage et assure une certaine sécurité socio-morale des parents, voire de la famille élargie.
Eu égard à ces rôles que jouent la femme, la société n’est pas insensible à ses responsabilités. En effet, la société lui donne de l’estime surtout lorsqu’elle est capable d’épanouir ou d’accroître sa famille. Toute femme dépourvue de cette capacité est rejetée par son entourage. Elle est socialement nulle. Dans Les hauts et les bas, Diasuka, pour n’avoir pas conçu pendant plus d’une année après son mariage, a été l’objet de moqueries par d’autres femmes de son milieu. Partout, on l’appelait « sita », c’est-à-dire stérile. Le sort de la femme stérile s’amplifie par le rejet, le mépris de l’intéressée.
De plus, la femme stérile est considérée comme une sorcière qui a vendu sa maternité pour des fins inavouées. Mais, comme source de vie, la femme est assimilée dans Giambatista Viko de Ngal à un créateur, un artiste au même titre qu’un écrivain, un peintre qui conçoit son œuvre, l’accouche et la met à la disposition du public.
Femme : exécutrice de divers travaux
La femme traditionnelle s’occupe de divers travaux à longueur de journées. Bien que l’homme soit, physiquement, plus fort, le rendement du travail de la femme est très considérable, sinon impressionnant autour duquel gravite toute la vie de la société en général et de la famille en particulier.
Hormis la tâche primordiale reconnue à la femme de procréer des enfants et d’assurer leur éducation, d’autres tâches la rendent génératrice du développement. Ainsi, le premier type d’occupation auquel s’attache la femme traditionnelle, c’est le travail des champs. A partir de ce travail, elle parvient à nourrir aussi bien sa famille que l’ensemble de la société. Dès la première page de Bandoki, on découvre une femme Ndoluka- décidée de faire un important travail ce jour-là. S’adressant à son mari, elle déclara : « tu sais que je dois cultiver cinq champs cette année » (p.9).
A travers ce même récit, on constate que le travail des champs est une activité communautaire, pour les femmes. Elles s’organisent et cultivent ensemble. Lors de la récolte, elles sont contentes d’offrir à leur société des biens de consommation alimentaire. Si la tâche de la femme traditionnelle se limite presque uniquement aux travaux champêtres, par contre, les femmes modernes s’adonnent à d’autres activités comme entre autres être vendeuses dans les marchés et sur les places publiques. En effet, pour suppléer au revenu du mari trop maigre en ville, l’épouse souvent entreprend souvent un petit commerce de bananes, arachides, de poissons grillés, etc.
On trouve, par ailleurs, en la personne de Mama Nguluba dans Ngando une
pécheuse dont « l’activité florissante lui rapportait gros ».
LA FEMME MODERNE
A l’opposé de la femme traditionnelle qui est avant tout procréatrice de vie et éducatrice de sa progéniture, la femme moderne, instruite, accepte généralement sa situation par résignation. Dans Des cendres et des flammes et On a échoué, les personnages féminins subissent le sort qui est le leur. Elles ne l’acceptent pas de gaieté de cœur. Les écrivains abordent leur problème par rapport au couple. Car, leurs protagonistes souhaitent l’épanouissement dans le cadre d’une vie à deux. Elles sont conscientes du fait que la monogamie n’est pas la recette du bonheur, la panacée de l’harmonie. En voulant la vie à deux, elles recherchent aussi l’amour qui doit être du foyer conjugal.
Par la plume des écrivains, la femme moderne est présentée comme la figure tragique et victime des coutumes ancestrales désuètes qui la maintiennent dans la sujétion. Elle refuse cet état de choses et cherche à recouvrer sa liberté et son émancipation souvent mal comprise comme c’est le cas de l’héroïne de Un écho dans la nuit qui sombre dans la prostitution.
QUE CONCLURE ?
L’analyse, qui précède, nous laisse entrevoir deux images que les écrivains donnent à voir de la femme : une image positive accompagne la femme traditionnelle, tandis qu’une image négative caractérise la femme moderne.
Cette dernière, en effet, veut se redéfinir au sein de la société urbaine-d’importation européenne- et se donne une nouvelle identité socio-culturelle.
PROFESSEUR ALPHONSE MBUYAMBA KANKOLONGO Université de Kinshasa
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